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Ne vous y trompez pas, ceux d’en face sous leurs airs cossus sont des gens un peu tordus. Mais toute discussion avec eux à ce sujet est vouée à l’échec car ils sont les seuls à ne pas s’en apercevoir. Le plus à plaindre de leurs louvoiements reste le syndic de la copropriété : imaginez l’assemblée générale annuelle de gens aussi retords, sûrs, mordicus, de leurs bons droits – et qui ne le serait pas recevant sa convocation, nantie de l’acknowledgement of receipt qui s’impose, à une adresse aussi prestigieuse ? Un point sur lequel, année après année, la copropriété ne parvient pas à s(e) ’(r)accorder est celui de la réfection des descentes de gouttières, serpent de mer des ordres du jour envoyés par le cabinet Young & Barnes & Morgan & Daughters & Sons (des trois indistinctement et de tous leurs lits, les filiations ne sont pas clairement établies et mieux vaut ne pas chercher à savoir). Le Conseil syndical a beau multiplier les demandes de devis à soumettre à ses mandants, pas un plombier de la ville, même d’origine polonaise - et dans cette ville il s’en rencontre, comme d’origine italienne ou chinoise -, n’envisagerait de lancer un chantier pareil. La seule estimation du nombre de coudes, demi-équerres et colliers nécessaires pour tenter de coller au bâti les en dissuade tous d’où qu’ils viennent. Les extravagances du cours du cuivre allongeraient une facture exorbitante même au propriétaire le moins pourvu en millièmes. Quand ceux d’en face cesseront de se gondoler on pourra reparler de leurs travaux. Car les conduits de cheminée ne valent guère mieux que les gouttières et les ramoneurs, même d’origine savoyarde, commencent à rechigner, lassés, comme leurs marmottes, d’autant de contorsions. Ceux d’en face de ceux d’en face, du moins parmi eux quelques grands vieillards qui en ont vu d’autres, prétendent que l’abus au cours des années 60 et 70 du siècle précédent, dans certains appartements, de substances à durables effets déformant les perceptions serait à l’origine des distorsions angulaires constatées. Quoi qu’il en soit, il serait grand temps de sauver la façade : tout bien situés qu’ils soient, sur Broadway, ces mètres carrés finiront par se dévaloriser.
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texte et image : martine sonnet
le txt mien : (emprise), dans l'échange, est accueili chez elle, ici.
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ai proposé un vaseco à martine sonnet qu'elle acceptée, dans l'aventure de son séjour new-yorkais, ce dont je la remercie fort
cet échange du jour trouve lieu dans le cadre des vases communicants, ensemble polyphonique de création et d'échanges littéraires, lancé par françois bon et jérôme denis. Depuis juillet 2009, le premier vendredi du mois, chacun écrit chez l'autre, blog ou site.
comme chaque mois merci à brigite célerier qui tient blog paumée et qui y fait, en cette occasion mensuelle vasesco, une fluide cueillette de chacun des partcipants
elle répertorie aussi, chaque mois, tous les participants ici
vous pouvez lire aussi lire (extraits ou entier selon nombre de lignes) tous les textes, réunis par pierre ménard / liminaire dans un sccoop.it dédié aux vases
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moi qui adore Venise (on ne se refait sans doute pas) (peut-être) (allez savoir) et que je vois qu'on se gondole aussi dans cette jolie petite bourgade à l'est de l'océan, je me dis que tout n'est pas complètement perdu (ai-je reconnue l'immeuble "qui fait le coin" le truc là impossible à meubler dans les angles etc. ?)
Rédigé par : PdB | vendredi 05 oct 2012 à 11:45