bleu pâle au jardin du matin au-dessus des tilleuls
l'orior rose a disparu avec l'oût
ils viennent les amis
branle-bas de combat à grand bruit avec engin à moteur
car
il faut férocifier le tendre jardin
quelque chose étouffe
les rosiers étouffent sous les herbes hautes le chiendent les ronces la berce les verges d'or
le bureau de la maison étouffe dans l'ombre
les géraniums étouffent sous les millepertuis
les sauges étouffent sous le chiendent les ronces la berce les verges d'or
les pivoines étouffent sous le millepertuis les verges d'or la berce_essayez de préserver les asclépiades
il démarre l'engin
ça bruisse fortfort ça bruisse moins fort ça rebruisse fortfort ça fort agace les oreilles
il tient l'engin à moteur accélérant décélérant accélérant vrillant, ça descend les branches du laurier-cerise, sectionne les branches du noisetier, sectionne celles du merisier sous le point de greffe du montmorency, ça coupe celles du troène à côté du noisetier, celles d'un autre laurier-cerise près des bassines en zinc, ça coupe celles d'un autre merisier planté par les oiseaux à côté d'un lilas blanc et d'un pied de sauge
aujourd'hui tu les regardes faire
tu les appelés les amis et ils sont venus
décider la coupe drastique
couper dans le réel des actes
il y a programmé dans la nature un envahissement
ce jour il y avait lutte contre lui instruments de violence à la main
il tient l'engin à moteur et travaille à grand bruit anéantissement de l'ivraie, ouvre de nouvelles hypothèses, de nouveaux espaces, libère des lumières de soleil, des profondeurs de champ, des passages de vent et d'odeur
pour un peu de métaphore on entendrait l'engin hurler
le bruit creuse des nœuds de cris à pas pouvoir les défaire
l'un tient l'engin chutes de branches en feuilles l'autre les déplace froissement frottement des feuilles dans la traînée jusqu'au fond du jardin où entassement pour machine à broyer
aujourd'hui tu regardes
tu penses au bûcheron de la forêt de gastine
jardin pays de l'enfance (géographie(s) intime, et qu'on promène avec soi
ce rosier-là bientôt désétouffé bientôt la remontée des fleurs
celui-là planté il n'y a pas si longtemps refleurira aussi
tous les rosiers blancs idem
l'un ferroie l'autre aussi mais lames différentes féroces les deux engins l'un pour le dur l'autre pour le tendre
il nettoie entrelacs de rugosa églantines ronces et liserons montés dans l'aubépine il coupe coupecoupe verges d'or bignonias aubépines naissantes_préserver l'acanthe et ses hampes fleuries préserver les géraniums vivaces bleus les pelargonium odorants à petites fleurs roses les deux pieds d'ancolie les rosiers de provins le fuschia le rosier grimpant au parfum capiteux dont le nom a été emporté avec les aïeux les deux pieds de pivoines les pieds de bourrache enfin apparus en juin
tu les as guettées ces bourraches, ignorante que tu étais du mois de leur apparition tu les as cru disparues gelées tu les as cru disparues exilées plantées ailleurs par vents ou oiseaux tu les as cru disparues bisannuelles ou annuelles et puis oh surprise en bleu elles sont enfin sorties de terre
aujourd'hui tu regardes
il coupe à grand bruit dans le carré des roses : berces bignonias ronces chiendents chardons verges d'or_ préserver les rosiers visibles, le reste, à la baille, ceux qui pourront repousseront dans un mois à peine jeunes rosiers fringants comme en printemps, les rosiers blancs - quel nom déjà - ceux qui croissent et multiplient comme des fraises à force de stolons
aujourd'hui tu regardes
- et les fleurs qui gagnent au pied des murs.../ ..au pays de l'enfance
- tu les gardes
- et les roses trémières dans le jardin de l'ancienne gendarmerie ?
- ah! c'était une ancienne gendarmerie ici ; ne savais pas / tu les gardes elles et leur rose pâle, si frêles aux lumières du matin [...] après petit muret de pierre, à côté des marguerites et des digitales
le bruit du féroce se poursuit
et soudain le pioupiou d'une mésange
ouf le bruit a défait ses nœuds
ouf il reste des branches aux oiseaux
la lumière touche différemment les buis la terre découverte les ombres se posent ailleurs pour une autre architecture végétale
31 août 2011
d'abord paru dans le cadre des vases communicants de sept 2001 chez michel brosseau
http://www.xn--chatperch-p1a2i.net/spip/spip.php?article38&var_mode=calcul
ai profité pour corriger les fautes d'orthographe / en avais bien laissé
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