inauguration d'un travail d'écriture au plus près du jardin et du jardinage, jardin-age,
jour après jour, saison après saison
on verra bien jusqu'à quand
y reviendrai peut-être
mais tenter de travailler dans le flux de ce qui vient, sans remettre à demain
sécateur en mains, c'est le temps de tailler les rosiers, tu commences par le grimpant à fleurs grenat_plus personne dans ce jardin pour te rappeler son nom, peut-être le retrouveras-tu sur une page de magazine, sur un site web consacré au jardin ou aux roses, ou au cours d'un bavardage avec quelque travailleur de la terre et des fleurs_le grimpant près du tilleul, à côté du freezia, tu as vu qu'une jeune branche était née depuis le pied, occasion d'oser couper une longue mais vieille branche pour rajeunir, clac, c'est fait, et tu coupes à trois yeux les petites pousses le long des branches, tu supprimes les branches mortes et tu vérifies les liens qui palissent les longues tiges aux barres de fer
couper
tailler
supprimer pour que ça renaisse
geste difficile mais essentiel à la continuation de la vie
tu baisses la tête pour passer sous la ferraille rouillée_où peut-être il y a cinquante ans et plus se voyait encore la peinture vert foncé qui la recouvrait, peinture Lefranc, à l'huile, ou Ripolin, peut-êre venait-elle de chez le marchand de couleurs _ tu passes là où un ou deux pieds de buis sont morts de trop de chaleur et leur mort offre une interruption dans l'alignement,tu t'accroupis et, à la main une serfouette avec fourche, tu frappes la terre,tu frappes, tu frappes encore, tu défais les mottes et tu tires les racines plus facilement, lentement pour tenter de les extirper au plus profond, herbes sèches de l'été dernier dites mauvaises parce que tu ne sais pas leur nom, il y a sûrement du chiendent parmi elles, attention préserve les petits pieds de violettes, arrache les ronces qui courent sur la terre pour aller se replanter un peu plus loin, dégage avec précaution le pied du rosier, ne va pas le blesser, là-dessus tu peux tirer c'est de la matricaire, oui c'est joli leurs petites fleurs jaunes_elles seront là le mois prochain,—mais ça s'étend tellement vite, ça recouvre tout jusqu'à l'étouffement, ces matricaires-là tu les enlèves.
se lit
dans ce travail de la terre quelque chose de toi et de l'humaine condition
toujours revenir là où ça s'est déjà passé
toujours dire non à l'envahissement et tu n'auras jamais fini avec le chiendent
mais tu continues tu reviens tu arraches à nouveau
tu sais bien que le chiendent reviendra
mais qu'importe
ton ambition n'est pas de l'éradiquer
alors quoi
maintenir une forme de beauté là où tu es
pendant que tu y es
petit à petit le vert disparaît pour laisser apparaître la couleur de la terre nue, tu donnes un coup de bêche tout autour des pieds des rosiers_ça tu l'as appris de qui,du grand père, non, sûrement du jardinier qui venait travailler tous les jours au potager, mais tu ne t'en souviens plus_mais tu le donnes le coup de bêche, ainsi tu sectionnes les racines dessous pour empêcher la pousse des herbes envahissantes qui auraient tôt fait de faire disparaître les dits rosiers sous leur pousse,tu as mis les racines déterrées dans un sac pour déchets végétaux ramassés chaque semaine par la municipalité. mode oblige
retrouver
l'odeur des petites violettes qui se découvrent au jardin
dans quel parfum
aussi réussi qu'un diorissimo au muguet
je crois qu'annick goutal avait crée une fragrance à la violette
ou peut-être une humble eau de violette sans nom de parfumeur réputé
tu vas chercher au fond du jardin, dans une petite remise_en fait une ancienne buanderie où il y a quelques soixante ou soixante-dix ans on faisait chauffer les lessiveuses avec petite cheminée d'où sortait l'eau bouillante et savonneuse, à moins qu'elle fût cendreuse_et il en reste de ces bassines pour le linge d'autrefois_ tu vas chercher des copeaux de cacao et un peu d'engrais, tu remplis un gros seau de broyat de branches qui attendent près du mur, à côté du noyer_ et tu rapportes le tout, tu étends en pluie l'engrais, tu griffes un peu, puis tu étends le cacao en cercles concentriques autour des pieds de rosiers, et en s'éloignant un peu le broyat de branches, puis tu vas chercher un arrosoir d'eau du bassin et tu arroses; pour l'amusement et la beauté, tu poses des pousses fraiches, donc violet-rouge, de branches de tilleul que tu as coupées, à la limite du cacao et du broyat.
travail toujours recommencé du jardinage
et de la vie
continuer
mais pour l'heure le soleil a passé le grand chêne vers l'ouest
c'est bientôt l'heure du dedans
16 mars 2010
@enfantissages merci / oui le grand diorissimo, quoi de mieux en fait de fragrance muguet, le plus proche de celle respirée au plus près du brin encore planté en terre / et annick goutal que j'ai découverte au tout début de son travail , dans un article de magazine, mais lequel, et dont j'avais cherché à sentir les parfums dès la lecture, était-ce "heure exquise"? / il y a eu aussi "grand amour" / et il y a peu est sorti en solifloral "la violette" parfum poudré, me semble-t-il, au charme un peu désuet mais le sien n'est pas tenace; il embaume en note de tête, la note de coeur reste vive, mais bientôt la force se fait plus discrète /
merci de reconnaître une "tendresse" et du "délicat" dans le travail de jardinage qui oblige les mains miennes à tenir souvent des outils de violence, qui tranchent, arrachent, séparent, taillent, coupent du déjà fleuri, du déjà en jeune verdure / mais apprivoiser cette violence nécessaire à l'épanouissement / et oui, comme vous le dites bien : "cela rend présent tout en liant passé et avenir" /
palisser les rosiers c'est palisser le temps /
Rédigé par : maryse hache | mercredi 24 mar 2010 à 15:58
Ah... Diorissimo!
Et Annick Goutal...! Eau du ciel chez moi!
Tendresse de vos mains jardinières dans le délicat travail de couper arracher contenir l'envahissement. Prendre soin des plantes activité qui rend présent tout en liant passé et avenir...
Rédigé par : Enfantissages | mercredi 24 mar 2010 à 15:06