continuation d'un travail d'écriture au plus près du jardin et du
jardinage, jour après jour, saison après saison
on verra bien jusqu'à quand, jusqu'à quel âge de jardin
y reviendrai peut-être dans la terre de l'écriture
mais tenter de travailler dans le flux de ce qui vient, sans remettre à demain
#9 avr 2010
griffe sécateur sac pour les coupes te voilà à nouveau au jardin
encore supprimer
pour pouvoir replanter et que ça renaisse
tu veux travailler au jardin, y éprouver ta carcasse, bien malmenée, en ce
printemps de mars et avril. et planter géraniums odorants, géraniums vivaces, cistes
et verveines d'ornements, qui le réclament, depuis le fond, près de la grille,
dans leur petit pot en terre cuite couleur brique. tu déposes les outils sur le
petit muret de béton gris autour du bassin, puisque c'est là que tu vas travailler,
et tu pars vers ce que tu as toujours entendu désigner comme le fond du jardin
ce mot " fond"
et le jardin ouvre un espace où entrer
comme on le dirait d'un bois ou d'une forêt
un espace dilaté propice à se perdre
auquel le mot offre un indice d'énigme
donc tu te diriges vers le fond. tu salues le cerisier montmorency, au milieu
de l'allée, en fleurs. tu n'as pas pu, d'un coup de serpette bien visé, couper les
rejets de merisier venus au-dessous du point de greffe. pas eu le courage, depuis
quatre ou cinq années, de les supprimer pour que le cerisier vive mieux. très
vieux ce montmorency, malade. il y a deux ans tu as tenté de couper quelques
branches pour le sauver, mais c'est décidé tu lui laisses les branches de
merisier. pour l'heure ils vivent ensemble
penser qu'il date de 1936
il a dû en offrir des cerises à macérer dans une eau-de-vie
tu prends les six pots de géraniums, posés au pied des troènes_tu ne les as pas
taillés en haie_ et tu les déposes sur la brouette en bois
brouette fait main
le jardinier qui t'a fabriquée a depuis longtemps rejoint la terre
qu'il y a si souvent transporté
à mon tour de t'utiliser
avant qu'à mon tour aussi j'y retourne
un coup d'œil au grand noyer_en branches encore nues,_aux branches frêles d'un
petit lilas blanc bientôt en fleurs,_éclat prelevé du grand, planté ici au
printemps dernier_avant de rouler la brouette entre les allées de buis jusqu'au
bassin. te voilà arrivée. ça ne t'a pas semblé long mais moins aisé que
d'autres jours, la force des bras moins vive, le souffle un peu différent.
qu'importe, ça brouette quand même. pour travailler la terre avant de planter,
tu ne peux pas t'accroupir comme à l'accoutumé et à l'asiatique. pas encore
assez de force. t'assieds sur le
petit muret de béton, jambes allongées sur la terre, et, griffe à la main, tu
la débarrasses des herbes et petites pousses qui se sont installée sur les
copeaux de cacao de l'année passée. tu ne sais pas les noms. tu préserves les
violettes, les pieds de marguerite dont on aperçoit bien les tiges, et les
ancolies dont tu reconnais les feuilles légères.
à la vue des feuilles d'acanthe qui commencent à dépasser la surface de la
terre
penser aux chapiteaux des colonnes corinthiennes
aux dessins d'ellsworth kelly et de matisse
tu travailles presque en –dessous de l'aubépin_Bel aubépin verdissant /
Fleurissant / Le long de ce beau rivage_ pas étonnant que tu trouves plusieurs
pousses de cet arbre_toute petite tige mais déjà de dures épines et une racine
enfoncée loin en terre, tellement qu'à la main tu ne parviendras pas à les
extraire.
s'étonner de la puissance de cette plante quasi naissante
capable de forer la terre
aussi rapidement que profondément
a-t-elle besoin de nutriments ne se trouvant qu'à cette distance
tu griffes pour remuer la surface, l'aérer, nettoyer des racines que tu jettes
derrière toi dans un sac prévu à cet effet
remarquer une petite tache rouge insolite au milieu des herbes dans le sac
un rouge qui bouge
une coccinelle
la sauver des déchets
deux petits volets si minces s'entrouvrent. elle s'envole
tu
griffes encore un peu. la narine toute heureuse, tu disperses un peu de noir crottin
de cheval que tu mélanges à la terre pour l'engraisser. et tu prépares la
plantation en disposant les pots sur la terre pour repérer l'endroit où tu vas
creuser. les six géraniums vivaces bleus en première ligne et derrière, les
géraniums odorants, un entre les rosiers rugosa, deux au bout à l'angle, entre
le rosier blanc_quel nom_et les tanaisies rapportées de normandie. maintenant
dépoter chaque plant, lui ménager un trou_pas trop profond_ verser un arrosoir,
planter, remettre la terre soigneusement autour, disposer les copeaux de cacao,
arroser à nouveau_pour faire tomber la terre bien autour des racines de manière
à ne pas laisser de poche d'air_arroser avec la pomme sur l'arrosoir cette
fois-ci pour ne pas disséminer par un jet d'eau trop puissant les dits copeaux.
regarder le travail vert sur brun
se dire que oui ça été possible
une petite joie
se remettre debout
cistes et verveines une autre fois. tu as quelque chose à finir. rouler la
brouette jusqu'au fond du jardin, sous le hangar. ranger les outils dans la
petite remise sous l'escalier. porter le sac de coupes jusqu'à la rue où l'on
vient les collecter. te défaire des gants de jardinage, des chaussures et de
l'habit réservés à cette activité
piaffer d'impatience : à quand les fleurs
les poissons nagent rouge au soleil
un petit vent apporte l'odeur des narcisses
le printemps s'installe
le monde suit son cours
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