texte paru, d'abord invité, chez pierre ménard liminaire dans le cadre des vases communicants vendredi 4 juin 2010
à cette même date paraissait ici son texte l'usure du temps
offrandes et libations miel pain fleurs et eau fraiche vers qui invite
splendeur émouvante de se sentir appelée
ça chante pinsons et merles ça s'agite abeilles et papillons ça pique en bouquet
d'ortie
à moi la vivance de la langue à moi les grandes bêtes venez à la visite
ça crie dedans avec livrées sauvages ça cavale muscles et foulées dans les
hautes herbes
de grands pans pivotent ouvrent à de la vastitude nouvelle
de grands portes métalliques s'élèvent et donnent sur rien mais l'horizon
ça tresse des courbures de panier ça cueille des fraises au bois
comment
ramez, disaient-elles
c'est la lumière de l'aube elle
déborde soudain avec tendre assurance s'invite dans les ombres accroche ses couleurs aux arbres à la terre aux fenêtres
jusqu'au clavier
*
il y avait
au long des côtes du monde
une île
où s'était formée une cité
sur les rives d'un fleuve
avec ses balcons
ses rinceaux et grilles
ses avenues et arbres
avec ses maisons serrées
ses fenêtres à carreaux
ses rideaux fins de tulle
ses femmes à corsage
et ses hommes à chapeaux
des petites filles se promenaient
à socquettes
des petits garçons se promenaient
à chaussettes
des grand-mères à boucles d'oreille
lisaient
le soir
des histoires
sous des lampes
près des lits
dans l'air du matin
des chevaux auburn
tireraient des grandes carrioles
à bouteilles de lait en verre
quelque fois
dans la nuit
une panthère noire
ferait visite
les réverbères projetaient
dans les chambres
leur lumière
de persiennes
chacun
chacune
était bientôt rangé
dans son lit
geignait
ronflait
criait mise à mort
dormait dans leurs rêves
s'était formée
une ville de toits
gris de zinc
une ville de chats
de quinquina
de dubonnet
une ville de charbonniers
une ville de décembre
en mandarines
et dans cette ville
de vies
de cris
de morts
et dans cette île
avec tous les autres
elle
était
*
en écho à michel butor, Illustrations II,
Gallimard, 1969.
il y avait au large de l’Europe une île où s’était formée une
cité considérable, pendant quelque temps la plus importante de toute la terre,
sur les rives d’un fleuve large et lent,
avec ses places et ses fontaines,
ses grilles, ses balcons, ses stores,
ses enfilades de maisons monotonement élégantes avec leurs
chaînes de pierre et de briques alternées
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