"voir suppose une petite fissure" suzanne doppelt
on regarde des fraises dans la verdure de leurs feuilles, dans celle des géraniums sauvages venus d'alençon, sur fond de couverte de lin
l'odeur des roses accompagne
on écoute ça roucoule des tourterelles turques dans le parfum des chèvrefeuilles rouge et or
les poissons rouges viennent au bord du bassin frôlent les grandes feuilles vernies des nymphéas apparaissent auprès des fleurs à senteur de vanille
les deux tilleuls dominent la scène, sans fleurs; taillés trop tard; ou pas encore nuit de juin; ou plus dix-sept ans
on coupe au sécateur, bien affuté pour que l'entaille soit belle nette, les roses fanées et solliciter la remontance
le soleil est là un petit vent agite les longues tiges du rosier noisette
le chat dort au pied des buis une mésange lance son vol bleu entre les deux troncs des tilleuls une tourterelle donne sa roucoulade sur antenne de toit
le paysage est en place en vert de mai
c'est joli d'avoir tant de verdure dans la fenêtre de ma chambre
les bourdons gambillent des pattes au coeur noir des pavots en jupons rouge vermillon les papillons jouent dans le rosier cuisse-de-nymphe-émue et les abeilles dans le coeur jaune des roses blanches
le chat s'étire en observation au pied d'un buis il est le seul à voir la musaraigne et sa promenade / les jours de grande patience il finit par l'attraper joue à la lâcher et l'attraper encore jusqu'à la tuer et la manger
au loin le son d'une tondeuse avec plus près sifflement de merles, et un petit toctoc d'une sittelle torchepot peut-être tapant la noisette sur une branche de noyer à moins que pic-épeiche
acalmie de martinets sansonnets se taisent
pie sautille sa visite dans l'allée du cerisier montmorency
les arrosoirs alignent le zinc et attendent l'eau
les sentiments naissent au jardin du jour vagabondant avec les insectes les parfums les fleurs les sons entre lumière et ombre
on voit des petites roses rouges apparaître dans la verte touffeur épineuse des aubépines entrelacées aux églantines un bourdon cherche calice à son goût
on regarde le vieux mur avec taches de pierres, vestiges de métal rouillé : attaches pour palissement, tubes où passaient l'électricité, élément de marquise aujourd'hui disparue
soudain le mur entre en rêverie, miroir de mémoire, et la porte dans le mur existe à nouveau, et l'au-delà du mur reprend sa vie de jardin potager, et voilà que règnent à nouveau artichauts pommes de terre haricots verts petits pois scarole batavia chicorée frisée laitue carottes navets oignons ail échalote cerfeuil persil ciboulette groseilles fraises framboises pommiers et poiriers à palmettes noisetiers rouges groseilles à maquereaux et majestuex cerisier bigarreau / merci générosité de la terre et travail du jardinier
la rêverie s'estompe et le mur revient au présent sous le ciel courbe bleu pâle vu à travers les feuilles du magnolia / un rayon de soleil passe et dessine une forme lumineuse sur le tissu d'une robe, sur le tapis de petites herbes du pré après la tonte / les buis alignent leurs boucles vertes
le jardin offre son génie du lieu et donne sur le cosmos et son cercle
il met le monde en mouvement
on est à jamais fichée dans le paysage dans l'ombre des feuilles dans la lumière du soleil avec fourmis cétoines rouge-gorge et mimosa
à jamais c'est jusqu'à quand
avec suzanne doppelt, lazy suzie, p.o.l
•voir : suzanne doppelt en résidence à la ménagerie du museum d'histoire naturelle (paris v) http://remue.net/spip.php?rubrique403
•voir aussi suzanne doppelt
http://remue.net/spip.php?mot668
•voir encore : Le monde est beau, il est rond, chez Inventaire, invention : http://remue.net/spip.php?article2903
et http://remue.net/spip.php?mot668
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