À quand remonterait pour moi le premier souvenir de livre lu associé à la
langue allemande, à une traduction de l’allemand et d’un auteur associé à
l’espace de cette langue ?
françois bon / de l'Allemagne, en vase communicant
chez laurent margantin
mon premier_sait-on jamais quand ça commence_souvenir de la langue allemande
remonte à la petite enfance, sans que j'eusse reconnu ce petit mot d'une
syllabe, répétée deux ou trois fois par mon père "auf " comme lui
appartenant. c'était pour moi un des mots tendres qu'il offrait au réveil de
ses pioutes pour tenter de les faire sortir du lit_c'était l'heure de quitter
le sommeil et se préparer pour l'école. il disait aussi Schaf Kopf quand_me
semblait-il_il voulait nous dire à peu près la même chose que lorsqu'il disait
"tu n'as pas fait marcher ta matière grise" en tapotant son front de
l'index. on devinait que nous n'avions pas assez réfléchi et que cette
"matière" était localisée dans la tête
la langue allemande_reconnue comme telle_ et le souvenir de son irruption,
tient à l'école. d'abord me souviens encore de mon étonnement le jour où_et
cela doit être au début de son apprentissage, j'avais à peu près 12,13 ans_j'ai
rencontré les pré et et les postpositions, les pré et les suffixes, les
adverbes, et ai vu écrit ce "auf" qui, prononcé, rendait la même
sonorité que le petit mot de mon père. ça voulait donc signifier quelque chose
comme se lever, se mettre debout, et ce que j'avais pris pour une syllabe de son
cru, appartenant à son langage affectueux et à sa langue française, était une
injonction allemande
ai appris cette langue facilement_vocabulaire et grammaire_sans être capable
pour autant aujourd’hui de suivre en tranquillité une conversation. ai saisi
ses jeux de construction dans la phrase qui me fait attendre le verbe jeté à la
fin et qui enfin vient tout révéler_comme la photo d'autrefois dans son bain
argentique_ses prépositions et postpositions qui ajustent ou réinstallent le
sens. ai aimé très vite sa facilité à construire les mots composés
ce début
reposait dans un livre vert de littérature allemande pour l'école, allemand
deuxième langue_de quel nom le désignait-on?_était-ce dans ses pages où je
découvre la mythologie allemande avec Märchen,
elfes et sombres forêts incontournables. bientôt la poésie-Dichtung le mot Lorelei_dont
j'aime la sonorité_avec Heine, et le ich
weib es nicht, was soll es bedeuten, dab ich so traurig bin qui va si bien à l'adolescente triste et à son ennui. bientôt,
appris et chanté au cours de chant, Heidenröslein
et Goethe_je me souviens encore de Sah
ein Knab' ein Röslein steh'n /
Röslein auf der Heiden / War so jung und war so schön/ Lief er schnell
nah zu seh'n / Sah's mit vielen Freuden / Röslein, Röslein, Röslein rot /
Röslein auf der Heiden puis l'enfant dit ich breche dich, et la rose ich
steche dich sans vouloir leiden, puis
il est question de Weh und Ach. bientôt Erlkönig dont je me souviens des quatre
pemières strophes_ah ce saüseln comme
j'en aimais la prononciation et la sonorité_je n'avais guère l'occasion de dire
ou de lire son équivalent français, me semble-t-il, susuurrer, et ce verbe m'est resté comme beaucoup d'autres mots,
portant son existence à part entière, sans avoir besoin d'être traduit pour
être ressenti-compris. ai découvert beaucoup plus tard cet Erlkönig chanté par Jessye Norman_qui m'a fait pleurer d'émotion et
de bonheur
ai été d'emblée_et le suis encore_en relation d'intimité avec cette langue, ses
sonorités, certaines de ces tournures, certains de ces substantifs, avec ce
"sentiment de la langue" comme l'écrit françois bon, cette
"rêverie" qui me visite à son écoute_et ne sais guère à quoi cela
tient. il faut croire qu'elle est liée à moi_le auf de mon père suffit-il à cette liaison_à une puissance qui me
parvient et à la littérature française
ai travaillé, au lycée, Kafka et la Verwandlung,
relu depuis, en bilingue
ai travaillé Brecht, quels textes?
étudiante, ai lu de la philosophie allemande, beaucoup en français, et des extraits
en bilingue, un peu de Kant, de Hegel, de Nietsche. quand j'ai lu Freud, ai
goûté aussi un peu de texte bilingue
plus tard ai écouté Kurt Weil, texte de Brecht en main, die Dreigroschenoper
ait très vite adopté le "ver" et le "zer" pour ce qui détruit
ou se détruit, ce qui blesse, se déchire, explose. des substantifs, des
adjectifs allemands s'imposent à moi dans des situations sensibles avant leurs
équivalents français
présence aussi de la ittérature dans la musique. beaucoup de Lieder_textes des poètes en main aussi,
avant après ou pendant_Brahms, Schuman, Mahler et les Kindertotenlieder, subjuguée par les voix les chantant, Jessye
Norman, Elisabeth Schwarzkopk, Kathleen Ferrier, Hermann Prey, Dietrich
Fischer_Dieskau
les mélodies françaises et les compositeurs français sont venues après
combien de fois n'ai-je pas écouté_messes, cantates, opéras_ de Beethoven,
Bach, Mozart . un peu de Wagner
suis allée à Vienne pour la langue allemande université d'été
lu en français Thomas Mann La Montagne magique,
Hofmann L'homme au sable, relu en
allemand ensuite, Freud L'étude sur la
gradiva de Jensen, relu en allemand ensuite, grapiller dans Hölderlin,
français et bilingue
découvert Rainer Maria Rilke, en français, puis essayé quelques textes en
bilingue
puis Celan, français et bilingue avec certaines études qui éclairent la
traduction
puis Rose Ausländer en bilingue
puis Les grains de pollen de Novalis
traduit par Laurent Margantin, toujours chez lui ce dossier sur Werner Köfler, et ses
traductions avec texte original de poésies de Trakl, et les textes d'Ingeborg Bachmann
avec textes allemands
chez poezibao le
dossier Ingeborg Bachmann par Françoise Rétif, textes traduits seulement
lacunaire et éparpillée telle est ma connaissance de la langue allemande et
elle me tient au cœur
peut-être un écho du auf paternel
d'ouverture dans le stehen de celan
accompagnant les jours d'aujourd'hui
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