Quelque chose dans l’écriture me déplait. Quelque chose dans le geste d’écrire.
Il y a, dans le geste d’écrire, l’idée de l’avant et de l’après. L’idée de la fidélité au trait. L’idée des yeux tirés en charroi de gauche à droite, sillon après sillon, l’idée de mes yeux comme des boeufs labourant dans du déjà creusé depuis longtemps.
Il y a dans le geste d’écrire une fausse idée du temps.
Un temps de gauche à droite et de bas en haut, accumulant du sens comme si c’était une récolte. Passage à la ligne, passage à la caisse. File d’attente, chaque mot chacun son tour, poussez pas y en aura pour tout le monde.
Un temps bien ordonné, en bataillon serré, avançant ligne à ligne toujours glorieux vers l’anéantissement final.
Le temps, dans le geste d’écrire, passe. Toujours au même rythme il se promène sur nos nerfs, on le laisse faire, on se voit vieillir uniformément, toutes dates respectées, toutes périmées. Rien n’accélère, rien ne revient, rien ne se répète, rien ne s’épuise.
Dans le geste d’écrire on peut croire tout cela, de gauche à droite et du haut vers le bas. On peut croire que quelque chose a été noirci dans le bon sens.
Et dans le geste de lire, ensuite : ça se complique. Les boeufs dès les premiers sillons se mettent à buter sur un silex qu’était pas prévu. Contournent. S’égarent. S’affolent. Cherchent à recommencer, quelque chose de régulier, d’ordonné, quelque chose qui puisse se récolter. S’épuisent dans des arabesques inutiles, décoratives. Multiplient les impasses. S’obstinent. Passent à autre chose. Se souviennent, y reviennent. A la fin ils ont l’impression d’avoir bien travaillé mais ils ne savent plus du tout ce qu’ils ont fait.
Ce qu’ils ont fait : passé l’illisible temps.
en ce vendredi de vases communicants, le semenoir reçoit cécile portier : http://petiteracine.over-blog.com/ et son texte: le geste d'écrire, tandis qu'elle reçoit le mien : vous me cherchiez madame, chez elle et j'en suis bienheureuse
vous pouvez suivre sa résidence littéraire : simple appareil - résidence au lycée Henri Wallon d'Aubervilliers http://petiteracine.over-blog.com/pages/eresiden-3595458.html
et sa présence sur remue.net : http://remue.net/spip.php?rubrique367
Tiers Livre (http://www.tierslivre.net/) et Scriptopolis (http://www.scriptopolis.fr) sont à l'initiative d'un projet de vases communicants : le premier vendredi du mois, chacun écrit sur le blog d'un autre, à charge à chacun de préparer les mariages, les échanges, les invitations. Circulation horizontale pour produire des liens autrement… Ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre.
Beau programme qui a démarré un 3 juillet entre les deux sites, ainsi qu'entre Liminaire de Pierre Ménard (http://www.liminaire.fr/) et
Fenêtres /open space d'Anne Savelli (http://fenetresopenspace.blogspot.com/).
voici la liste de tous les participants de cet événement littéraire mensuel sur le web, construite par @brigetoun / brigitte célerier (son blog : paumée)
Daniel Bourrion http://www.face-terres.fr/ et Urbain trop urbain http://www.urbain-trop-urbain.fr/
François Bon http://www.tierslivre.net et Michel Volkovitch http://www.volkovitch.com/
Christine Jeanney et Kouki Rossi http://koukistories.blogspot.com/ http://tentatives.eklablog.fr/ce-qu-ils-disent-c138976
Anthony Poiraudeau http://futilesetgraves.blogspot.com/ et Clara Lamireau http://runningnewb.wordpress.com/
Samuel Dixneuf-Mocozet http://samdixneuf.wordpress.com/ et Jérémie Szpirzglas http://www.inacheve.net/
Pierre Ménard http://www.liminaire.fr/ et Christophe Grossi http://kwakizbak.over-blog.com/
Michel Brosseau http://www.àchatperché.net et Jean Prod'hom http://www.lesmarges.net/
Lambert Savigneux http://aloredelam.com/ et Silence http://flaneriequotidienne.wordpress.com
Olivier Guéry http://soubresauts.net/drupal/ et Joachim Séné http://joachimsene.fr/txt/
Maryse Hache http://semenoir.typepad.fr/ et Cécile Portier http://petiteracine.over-blog.com/
Anita Navarrete Berbel http://sauvageana.blogspot.com/ et Landry Jutier http://landryjutier.wordpress.com/
Anne Savelli http://www.fenetresopenspace.blogspot.com/ et Piero Cohen-Hadria http://www.pendantleweekend.net/
Feuilly http://feuilly.hautetfort.com/ et Bertrand Redonnet http://lexildesmots.hautetfort.com
Arnaud Maïsetti http://www.arnaudmaisetti.net/spip et KMS http://kmskma.free.fr/
Starsky http://www.starsky.fr/ et Random Songs http://randomsongs.org/
Laure Morali http://lauremorali.blogspot.com/ et Michèle Dujardin http://abadon.fr/
Florence Trocmé http://poezibao.typepad.com/ / et Laurent Margantin http://www.oeuvresouvertes.net/
Isabelle Buterlin http://yzabel2046.blogspot.com/ et Jean Yves Fick http://jeanyvesfick.wordpress.com/
Barbara Albeck http://barbara-albeck.over-blog.com/ et Jean http://souriredureste.blogspot.com/
Kathie Durand http://www.minetteaferraille.net/ et Nolwenn Euzen http://nolwenn.euzen.over-blog.com/
Juliette Mezenc http://www.motmaquis.net/ et Loran Bart http://noteseparses.wordpress.com/
Shot by both sides http://www.shotbybothsides.org/ et Playlist Society http://www.playlistsociety.fr/
Gilles Bertin http://www.lignesdevie.com/ et Brigitte Célérier http://brigetoun.blogspot.com
"Les livres sont ennuyeux à lire. Pas de libre circulation. On est invité à suivre. Le chemin est tracé, unique.
Tout différent le tableau. Immédiat, entier. Puis on va à gauche, à droite, comme on veut, où l'on a envie, selon ses trajets, et les pauses ne sont pas indiquées.
Dés qu'on le désire, l'oeil le tient à nouveau, entier. Dans un instant tout est là.
Tout, mais rien n'est encore connu. C'est ici qu'il faut commencer à LIRE"
Aventure peu recherchée, quoique pour tous. Tous peuvent lire un tableau, ont matière à y trouver (et à des mois de distance matières nouvelles), tous, les respectueux, les généreux, les insolents, les fidèles à leur tête, les perdus dans leur sang, les labos à pipette, ceux pour qui un trait est comme un saumon à tirer de l'eau, et tout chien rencontré, chien à mettre sur la table d'opération en vue d'étudier ses réflexes, ceux qui préfèrent jouer avec le chien, le connaître en s'y reconnaissant, ceux qui dans autrui ne font jamais ripaille que d'eux-mêmes, enfin ceux qui voient surtout la Grande Marée, porteuse à la fois de la peinture, du peintre, du pays, du climat, du milieu, de l'époque entière et de ses facteurs, des événements encore sourds et d'autres qui déjà se mettent à sonner furieusement de la cloche.
Oui, tous ont quelque chose pour eux dans la toile, même les propres à rien, qui y laissent simplement tourner leurs ailes de moulin, sans faire vraiment la différence, mais elle existe et combien instructive.
Que l'on n'attende pas trop toutefois. C'est le moment. Il n'y a pas encore de règles. Mais elles ne sauraient tarder..."
Henri Michaux, Passages (Lecture, 1950).
Rédigé par : amaisetti | samedi 04 déc 2010 à 10:14
faire un pas et un puis un autre encore un autre s'enhardir tout en ayant très conscience que le terrain est miné chaque couche géologique l'est, et pourtant ne pas marcher sur la pointe des pieds (tromper la peur) faire de grandes enjambées comme si de rien n'était, pas le choix
(te lire me ramène en arrière dans le temps - écriture d'un texte à paraître dans le prochain D'ici là - ça fait tout drôle)
Rédigé par : juliette | vendredi 03 déc 2010 à 16:31