le premier vendredi du mois, chacun écrit sur le blog d’un autre, à chacun de préparer les échanges, les invitations
circulation horizontale pour produire des liens autrement… ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre
ce sont les #vasescommunicants
pour cet échange de mai, jérôme wurtz et moi, nous nous sommes donnés rendez-vous de vif-corps
c'était la deuxième fois que nous nous rencontrions
avais été à paris, aux ateliers varan, à la projection de son film : fermeture
avons choisi des photos, lui dans les miennes, moi dans les siennes, et avons lancé l'écriture à partir d'elles
vous lisez son texte ici, accompagné des photos miennes qu'il a choisies, tandis qu'il accueille, sur son blog : à quelque pas de l'usine, le mien et les photos siennes que j'ai choisies
1932. La première. Un moment fort et préparé. Chez le photographe. Rendez-vous posé depuis de longue date. Le choix des costumes mûrement préparé. Choisis par âge. Pour les filles et les garçons. Exercice dur que celui-ci. Réunir tous les petits enfants. Dix. Chiffre symbolique atteint. Montrer une unité. Dans le regard. Un seul interlocuteur : le professionnel. Le reste de la famille? Attendant dans une salle. Pour ne pas déconcentrer. Laisser la grand-mère mener la mise en scène. Choisir le décor peint. Un paysage fantastique. Onirique. Loin de la vie. Montrer la famille dans l'éternité. Inscrire ce moment à la hauteur du portrait peint des grandes familles. Mais dans la modernité et le réalisme. L'accès pour tous à sa représentation propre. Son royaume et ses sujets.
Après l'exercice repas pour fêter l'occasion. Les enfants s'empresseront de construire un château de drap blanc. Se cacher en dessous et construire le royaume de la grand-mère. Elle aura le droit de siéger au milieu de ses sujets. Quelques adultes pragmatiques diront leur désaccord de l'emprunt des draps. Mais rien n'y fera. Le décor et l'histoire sont posés.
Des années plus tard. Répétition de l'exercice. Le royaume ne se limite plus à un décor. Vrai paysage et profondeur du royaume. Deux nouveaux sujets. Cela mérite une répétition. Mais cette fois-ci par soi-même. Plus besoin du professionnel. Le décor est à nous et le révélateur aussi. Plus besoin de drap. Visages détendus. Et le regard apaisé de la grand-mère.
Derrière l'objectif plusieurs personnes. Créant un désordre dans les regards. Chacun sa direction. Son costume. Sa personnalité. Se laisser envahir par les herbes hautes douces et confortables.
L'exercice maîtrisé par la famille. Plus de mise en scène. Juste un moment arrêté au milieu d'un repas. Ou avant. Pour ne laisser aucune trace du repas. L'immortalité de l'instant et du royaume. Se laisser vivre. Montrer son étendue aux nouveaux. Sortir les draps et continuer de construire le château de draps à côté des tables sorties pour l'occasion du repas. Du coup pas de nappes. Juste le bois brut de table et des bancs. Laisser des ronds de verre. Clair. Dénouer les nœuds de cravates. Ouvrir un bouton des chemises et chemisiers. Partir en promenade et voir le soleil se coucher sur la rivière du royaume où on ira pêcher l'anguille qu'on fera griller le soir.
Puis rentrer chez soi. Et se retrouver pour la prochaine. Celle de 1952. Peut-être la dernière mais celle qui va relier le royaume de Maryse avec le mien.
22 mars 1952. Les jumeaux du 57 naissaient. Un père encore dans son Alsace, courant dans la forêt sombre fuyant les religieuses pour se réfugier auprès de sa mère. De l'autre côté de Billancourt, dans le 16e, une autre mère attendait sa seconde fille, ma mère. Elle arrivera 14 jours plus tard. Et quelque part en France, une autre famille se rassemblait pour fêter une communion. Peut-être. La trace de cet événement. Une photo de famille. Celle de Maryse Hache. Léonie et ses petits enfants. Statut et re statut de grand-mère. Entourée de petits et arrière petits-enfants. Le regard plongé dans le vide. Laissant la maîtrise de l'exercice familial. Plus d'unité dans la direction du regard. Tout le monde en effervescence. Visages cachés. Enfants ne savant où se mettre. Pause sauvage. Combien de personnes derrière l'appareil qu'on essaye de faire oublier. Peut-être autant.
Et le regard qui devrait faire l'accord ne le fait plus. En dessous de tous. Léonie ne voulant plus. Les interlocuteurs cachés. Parlant à tous. Surtout à celui qui ne veut pas. Les mains dans les poches et le regard nous disant non. Les deux blondinets interloqués. Se disant pourquoi pas. Dans l'indécision. Se placer où et comment. Et faire corps avec le probable cousin ou frère. Et les deux cachés nous disant la même chose.
L'image scindée en deux. Un clair obscur discordant. A gauche, la pause est maintenue pour l'exercice. Aucune faille. À droite, le réalisme. Mur de brique et l'ombre de cet arbre. Celui de la famille j'ose croire. Celui qui les représente. Où on ose les déformations de l'exercice. Jouer avec son ombre. Dire non à la photo. L'enfance se le permet. Pour nous dire « c'est à notre tour ». L'avenir est là dans l'ombre de l'arbre. Loin du black out. Leur arbre. Grimper dessus pour passer le mur visible. Voir ce qu'il y a de l'autre côté. Courir dehors loin du regard parental. L'oublier pour mieux exister. Grandir et donner sens à l'exercice plus tard. Ou prendre l'appareil et poser son regard sur le monde. La photographie de famille appelle à cela. Trouver de nouveaux lieux pour mieux se l'approprier ce jour là.
Quinze ans après. Jour pour jour cela sera une autre photo. Celle d'un mouvement qui aura pris à Nanterre. Là où il n'y avait pas d'arbre. Le faire pousser.
Voulant une autre photographie. Avec sa famille qu'on se sera créée à défaut de la nôtre. Celle qu'on ne choisit pas. Les poings serrés dans les poches. Qu'on ouvrira plus tard pour assembler les deux.
Comprendre ce regard qui maintient l'équilibre malgré la fatigue.
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